Internet Banking

La banque et Internet

Juin 1999

Par Garance MATHIAS

Doctorante en Droit , Juriste au cabinet d’avocats Thomas et Associés – Membre du réseau Deloitte & Touche

Et Jean-Michel SAHUT

Enseignant-chercheur à l’INT, Docteur ès Sciences de Gestion CEFTI – Université d’Aix-Marseille III

Cet article est paru dans le n° 99/2 p. 6 de la revue Droit de l’Informatique et des Télécoms

    Introduction

La distribution et la communication sont en France, les principaux éléments de différenciation des banques (1). Toutefois, l’évolution technologique et le développement de l’Internet remettent en cause cette situation concurrentielle. En effet, cela permet à des banques et/ou à des sociétés non financières d’offrir des services bancaires directement aux internautes français (professionnels ou non).

Au sens large, nous pouvons définir  » l’Internet banking  » comme toute activité bancaire se déroulant sur Internet (de la promotion à la vente). Pour résumer, il existe trois types d’acteurs présents sur le réseau :

      – les sociétés non financières qui proposent certains services bancaires ou financiers par Internet.
      – les banques directes dont l’activité principale est la banque à distance.
      – les banques traditionnelles à réseau d’agence pour lesquelles Internet est un canal de distribution parmi d’autres.

L’Internet est donc pour les banques une source de risques et d’opportunités. L’objet de cet article est d’appréhender les enjeux de  » l’Internet banking « , le positionnement actuel des banques, les conditions de viabilité de ce canal de distribution et les conséquences à la fois économiques, juridiques et financières sur le rôle des banques (2).

  I Les enjeux

  Les enjeux de  » l’Internet banking  » sont de trois ordres : stratégique, marketing et technologique. Stratégiques car la banque sur Internet remet en cause les relations sur le marché et à ce titre apparaît comme une modalité privilégiée d’entrée sur les marchés. Marketing car le nouveau mode de servuction qu’il définit correspond à de nouveaux positionnements fondés sur de nouveaux produits/services pour les clients en même temps que l’adéquation avec les autres canaux. Technologiques parce que les investissements nécessaires sont d’abord technologiques et doivent s’insérer dans l’existant, ce qui remet en cause en partie les objectifs assignés par le passé. a) Stratégique

L’impact des réseaux, et en particulier d’Internet est de deux types : il modifie les relations existantes avec la clientèle, soit en les renforçant, soit les détruisant et il modifie les compétences (3). L’obtention de la masse critique en termes de clients, nécessaire à la construction du réseau et à son évolution, requiert une analyse critique de la stratégie actuelle et future. Cette masse peut prendre du temps pour être atteinte et demande un suivi détaillé (4).

La banque sur Internet apparaît ainsi comme un canal privilégié pour les nouveaux entrants. Les marchés les plus concernés par la banque sur Internet sont les plus faciles à pénétrer pour les nouveaux entrants. Les tâches et les services proposés sont souvent simples. L’avantage concurrentiel peut être fondé sur la possession d’un réseau, sur l’accès à la clientèle ou la connaissance de la clientèle. Or ces entrants ne sont pas faciles à identifier en raison des sources multiples. Cependant, nous proposons de les regrouper en cinq catégories :

1. Les entreprises

Les grandes entreprises disposant de fonds à placer sont des concurrents de poids pour les banques. L’émission de Billets de Trésorerie, de Certificats de Dépôts, des B.T.A.N. sont autant de produits/services concurrents pour les banques et qui s’adressent aux mêmes clientèles. Les ressources des entreprises résident dans leur connaissance de l’industrie et de leurs relations.

2. Les assurances

La convergence entre les métiers d’assureur et de banquier se traduit dans une offre élargie de type bancassurance, où les uns et les autres proposent des gammes élargies de produits à leurs clients.

3. La grande distribution

La grande distribution est un concurrent dans le domaine de la distribution de crédit, de la gestion des moyens de paiement et des produits d’assurance. Leurs ressources sont des fonds importants, la possession de réseaux, leur connaissance des clients et l’accès à ces derniers.

4. Les gestionnaires de réseaux E.D.I.

Les gestionnaires de réseaux E.D.I. sont des concurrents potentiels. Ils maîtrisent les infrastructures et les informations circulant sur le réseau (5). C’est là que réside leur avantage.

5. Les fournisseurs d’accès à Internet ou de contenu sur Internet

L’avantage concurrentiel des fournisseurs d’accès réside à la fois dans l’accès et la connaissance de sa clientèle d’abonnés. En revanche, les fournisseurs de contenu essayent de créer des points de passage indispensables pour les internautes appelés  » portails  » (exemple : un moteur de recherche, ou encore une communauté virtuelle), et proposent sur ces sites de nombreux services. Leur avantage s’appuie sur la connaissance des utilisateurs de leurs services. Certaines banques cherchent d’ailleurs à devenir des fournisseurs de contenu. Par exemple, UFB Locabail, filiale de Paribas, a développé une communauté virtuelle destinées aux industries graphiques. L’objectif de cette initiative est de devenir le plus rapidement possible le site de référence de cette filière professionnelle, en proposant à ces membres des services d’informations gratuits, et transactionnelles (bancaires ou non). Les communautés virtuelles apparaissent ainsi aux entreprises qui les ont initiées ou fédérées comme le moyen d’instaurer une barrière à l’entrée pour un type de marché.

b) Marketing

Les enjeux marketing sont importants. Ce canal présente un risque très grand de banalisation de l’offre, au moment même où les banques ont besoin de se différencier. L’activité bancaire sur Internet correspond à un mode spécifique de services qui remet en cause les positions traditionnelles des banques. L’analyse doit tenir compte des spécificités de l’offre et de la demande pour ne pas tomber dans le piège de la reproduction à l’identique au risque de brouiller l’image de la banque. Il y a donc nécessité de réfléchir à son positionnement sur le marché et à la définition d’une offre de services notamment à l’offre de produits para ou extra bancaires.

c) Technologique

La banque sur Internet s’appuie sur les investissements existants et doit être intégrée aux systèmes d’information. Or l’informatique centralisée existante n’a pas été conçue dans la même optique. Ne pas penser cette intégration présente un double risque : ne pas offrir aux clients le plein potentiel de ce canal (6) et déconnecter les différents systèmes d’information dans la banque. Par exemple, la Citibank, pionnier dans la banque en ligne, a décidé d’abandonner son système informatique traditionnel afin de reconstruire une nouvelle infrastructure technique et fonctionnelle fondée sur Internet.

  II Les services proposés

a) Le positionnement des banques

Les banques consacrent une partie de plus en plus grande de leurs investissements informatiques à l’amélioration, d’une part, de leur système d’information client ; d’autre part, de leurs canaux de distribution. Selon une étude du cabinet Ernst&Young, les banques prévoient de réaliser à l’horizon 2001 le même investissement aux technologies Internet qu’à leurs réseaux privés (7).

Afin, d’éclairer notre analyse, il convient de dresser une classification générale des sites bancaires en fonction des services proposés. Nous avons répertorié 5 catégories de sites bancaires :

    – le web succinct : son objectif se limite à prendre date pour l’avenir en assurant une présence minimale sur Internet. Les sites de ce type ne présentent que peu d’intérêt pour les clients, ils ont même tendance à desservir l’image de la banque.

    – le web généraliste : présente la banque, ses produits et ses services de la même manière qu’un support papier traditionnel tel qu’une plaquette publicitaire destinée à la clientèle ou aux actionnaires. De plus, la banque fournit des liens diversifiés (agences de voyages, presse, etc). Par conséquent, il s’agit d’un site vitrine, de présentation et non d’un point de vente directe.

    – le web ciblé : offre des produits et des services spécifiques à une clientèle ciblée par type de professions, par tranche d’âge. Nous trouvons ce type de site dans le cadre des communautés virtuelles.

    – le web pratique : tire parti des nouvelles technologies afin de développer au niveau international une image institutionnelle de la banque. Par exemple, la banque Paribas publie mensuellement sur Internet des bulletins d’études économiques.

    – la cyber-agence : intègre Internet à la stratégie de la banque, en proposant tous types de services bancaires en ligne.

Cette typologie de sites n’est pas rigide. En effet, le développement des sites bancaires français ne suit pas forcément ces 5 phases d’évolution. Cette attitude est liée à un choix stratégique; certaines banques sont passées de la simple vitrine virtuelle directement à la cyber-agence.

Par ailleurs, il convient différencier le  » PC banking  » de  » l’Internet banking « .

Le  » PC banking «  peut se définir techniquement comme le fait de se connecter à sa banque en utilisant les protocoles de transmission de données TCP/IP et un logiciel propriétaire de la banque. Ce logiciel peut être soit téléchargé directement du site Internet de la banque, soit il est fourni sur Cd-Rom.

Les deux avantages principaux de ce système sont : la sécurité et la fonctionnalité.

Ce système permet de garantir la sécurité en permettant à la banque de définir ses propres normes techniques de sécurité. Par conséquent, la confidentialité et la sécurité des transactions bancaires (transmission des données ou réalisation des paiements) sont garanties. Ces applications permettent à la banque d’offrir une forte gamme de services financiers conviviaux et fonctionnels.

Néanmoins, le développement du  » PC Banking  » génère quelques inconvénients. Le coût de conception de ces logiciels est important. En effet, chaque logiciel est créé pour chaque système d’exploitation ( Windows 95, 3.11, Mac OS, etc). Ainsi, chaque fois que la banque décide d’ajouter des fonctionnalités à son logiciel ou que le système d’exploitation évolue, cela nécessite une mise à jour du logiciel utilisé par le client.

En ce qui concerne la distribution, l’enjeu majeur est de savoir si elle se fait directement par Internet (téléchargement), dans ce cas, la banque transfère la plupart du coût de distribution au client. Sinon, la distribution peut se voir suivant un schéma traditionnel par l’envoi d’un support magnétique (disquette ou Cd-Rom).

L’inconvénient majeur de ce système reste la dépendance du client vis à vis du logiciel propriétaire de la banque. En effet, il doit être installé sur chaque poste informatique sur lequel on souhaite se connecter à la banque. Dans ce contexte, il doit exister une version compatible avec le système d’exploitation de ce poste ; en particulier il n’existe pas à notre connaissance de banques proposant ce type de logiciels propriétaires pour le système UNIX.

En revanche,  » l’Internet Banking «  utilise les protocoles et les services d’Internet. Cela offre de multiples avantages à la fois pour les banquiers et les utilisateurs. Pour les banques, un des avantages prépondérants reste la réduction des coûts de conception et de distribution. Le client télécharge (8) directement sur le site de la banque au fur et à mesure de ses besoins les applications nécessaires à ses transactions bancaires. De plus, le client peut avoir accès directement à sa banque de n’importe quel point d’accès à Internet.

Cependant, les inconvénients sont sur le plan technique sont à la fois la sécurité des transactions et le temps de chargement de l’interface à chaque connexion. Concernant plus particulièrement, la sécurité (le chiffrement des données bancaires) est moindre que dans le  » PC banking « . Ce dernier crée une barrière de protection supplémentaire grâce à la spécificité du logiciel propriétaire utilisé. Au contraire,  » l’Internet Banking  » fonctionne sur les protocoles de cryptages beaucoup plus standards.

  b) Le panorama

Pendant ces dernières années, la place des marchés financiers et des banques sur Internet n’a cessé de croître. La migration des banques françaises sur Internet a connu un réel développement cette dernière année : selon une récente étude réalisée par Benchmark Group, 29 % des 180 premiers établissements financiers ont un site, contre 12 % en 1997 (9). Par ailleurs, toutes les grandes banques de détail ont ouvert ou ont amélioré les services de consultation en ligne.

Si la demande de services financiers en ligne est forte chez les internautes, il faut remarquer, que seulement 5% (10) utilisent les services de banque en ligne en France et aux Etats-Unis. Par exemple, la BNP(11), la première banque en ligne (en nombre de clients), revendique 25 000 abonnés. En revanche, la banque américaine Wells Fargo (12) compte 500 000 clients ( professionnels et particuliers).

Il convient d’éclairer notre propos par une étude non exhaustive du positionnement des banques étrangères sur Internet.

Actuellement, nous sommes dans un contexte de déréglementation qui accentue la concurrence entre les établissements financiers à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union Européenne. Selon une étude publiée par le cabinet Bluesky International marketing (13), l’Europe disposerait désormais de 476  » cyber-agences  » contre 249 aux Etats-Unis.

Actuellement, les principaux pays européens (Allemagne, France, Royaume-Uni) sont dans un environnement de concurrence intensive à la fois concernant la qualité et la diversité des services offerts et concernant leur prix. Ainsi, la plupart de ses grands réseaux bancaires cherchent d’une part à développer des alliances avec des acteurs financiers ou non ; et à accentuer la sécurité des transactions, d’autre part.

Ainsi, les principales banques allemandes (14) (Deustche Bank, Commerzbank, BfG Bank) souhaitent sécuriser et fidéliser leur clientèle grâce à la création d’un standard de sécurité commun (Homebanking Computer Interface). Son but est de réaliser une transaction sécurisée entre la banque et son client dans n’importe quel contexte. Dans cette même optique, la Sparda-Bank Hamburg a introduit une carte prépayée (MeCHIP) qui permet au client d’accéder directement à la banque afin de vérifier ses opérations bancaires (15).

Dans un contexte différent, en Grande-Bretagne, la filiale du groupe HSBC, First Direct (16) fait figure de précurseur en tant que banques sans guichet. En effet, ce groupe bancaire s’allie avec des acteurs non bancaires comme Sainsbury, Tesco ou Virgin afin de vendre des produits et services financiers en ligne.

Du point de vue du droit français, les règles traditionnelles de régulation doivent être adaptées au défi de  » l’Internet Banking « . En effet, le principe régalien de la loi bancaire et la territorialité de cette réglementation sont battus en brèche par l’apparition et le développement des alliances entre des banques et des acteurs non financiers.

Si les cyber-agences européennes sont plus nombreuses en Europe qu’aux Etats-Unis, il convient de relativiser cette statistique. En effet, nous constatons que les cyber-agences américaines sont le moteur de l’innovation dans ce domaine. Ainsi, nous pouvons citer l’exemple de la Bank of America (17) et de son concept build your own bank qui repositionne le client comme un  » consommateur entrepreneur « . Dans ce cas, le client construit et personnalise sa relation avec son banquier. En contrepartie, le banquier développe une relation autonome et spécifique avec son client ainsi qu’une base de données importante à des fins commerciales et marketing. Cette démarche est innovante (18) et inverse le schéma de la relation classique (banquier/client). En effet, le client prend l’initiative de délivrer les informations à la banque ; en retour celle-ci lui offre des services à haute valeur ajoutée afin de le fidéliser.

Une autre approche consiste à offrir des bouquets de services à des secteurs ciblés de la population . Par exemple, la banque Wells Fargo (19) a crée pour les étudiants le site Student Banking Center où elle répond à l’ensemble des besoins financiers. Au-delà, de ces services bancaires, elle les aide à chercher un emploi ou à gérer leur budget personnel.

Au-delà de la stratégie des acteurs bancaires, la dématérialisation des moyens de paiement constitue l’un des enjeux majeurs d’Internet, dans la mesure où il signifie un gain de temps pour les commerçants, et une nouvelle source d’économie et de profit pour les banques.

  III Le développement des nouveaux moyens de paiement

a) La remise en cause du rôle traditionnel des banques : de la désintermédiation à la dématérialisation

La banque traditionnelle se définit par une double activité (20) : d’une part, celle d’établissement de crédit ; et par celle de mise à la disposition et la gestion des moyens de paiement.

Par conséquent, l’établissement bancaire joue à la fois le rôle d’intermédiaire bancaire et financier. Intermédiaire dans la distribution du crédit , les banques le sont aussi en matière de paiement : elles font écran entre le solvens et l’accipiens.

Cette fonction d’intermédiation a été accentuée avec le développement des nouvelles technologies, d’une part ; et la dématérialisation (21) des moyens de paiement, d’autre part.

En effet, sans intermédiation, il serait impossible d’effectuer des transferts à distance, en masse dans des conditions de coûts, de délais et de sécurité raisonnables.

  La dématérialisation
 

Actuellement, la situation est celle d’une dématérialisation quasi-totale, qui a été mis en oeuvre conjointement soit sous l’influence de la pratique soit sous celle du législateur.

Ce processus de dématérialisation, déjà ancien a été fortement accentué par la croissance exponentielle de l’Internet. En effet , Internet est le vecteur principal du commerce électronique (22), qui influence le développement de la finance  » virtuelle « .

La dématérialisation  » classique  » se déroulait dans le cadre bien délimité, entre partenaires ( le plus souvent les banques et leurs clients, s’agissant des opérations financières) connus et généralement de même nationalité (23).

Dans un autre domaine, la dématérialisation des moyens de paiement répond plus particulièrement à 3 objectifs :

    – l’abaissement des coûts
    – des procédures fiables
    – l’amélioration des services rendus à la clientèle

Il convient de voir en quoi les réseaux ouverts et Internet constituent-ils un pas supplémentaire par rapport aux formes classiques de dématérialisation ?

La caractéristique fondamentale d’Internet réside dans la nature du réseau mondial, décentralisé. L’espace et le temps sont abolis, et les points de contacts ne sont plus des personnes ou des adresses physiques, mais des adresses électroniques. Par conséquent, le support  » papier  » disparaît au profit du développement de documents électroniques ( contrats électroniques, signatures électroniques, etc).

La désintermédiation bancaire : le rôle accru des opérateurs non bancaires

Le développement d’Internet va conduire les banques à redéfinir leur rôle dans la gestion des moyens de paiement et l’intermédiation bancaire.

Comme nous l’avons vu, la dématérialisation s’accentue grâce au développement des réseaux ouverts tels que l’Internet.

Plus fondamentalement, ces évolutions conduisent à s’interroger sur le métier du banquier : où est la valeur ajoutée bancaire ? Quels services les entreprises et les particuliers attendent-ils de leur banque ?

La banque à distance ou à domicile constitue une tendance de fond , qui doit permettre de répondre à de nouveaux besoins de la clientèle. Le produit net bancaire résulte, d’une part de recettes réalisées par l’intermédiation (marge de taux), d’autre part de recettes réalisées sur les prestations de services (intermédiation de commissions).

Par ce biais, la banque à distance peut permettre, non seulement de réduire les coûts d’agence, mais aussi de répondre aux besoins nouveaux des clients, moyennant rémunération.

In fine, c’est la relation avec le client , et l’accomplissement d’une mission de sécurité, notamment des dépôts qui constitue l’essentiel du métier bancaire.

Les banques doivent donc veiller à préserver l’interface avec le client et des garanties scrupuleuses de sécurité, si elles ne souhaitent pas voir leur position concurrentielle érodée.

De plus, la diffusion des techniques permet à de nouveaux intervenants de s’implanter dans des métiers qui étaient traditionnellement réservés aux banques. Sous le terme générique de  » nouveaux intervenants « , on trouve des professionnels aux activités très diverses, tels que les serveurs où les prestataires de services sur réseau (fournisseurs d’accès, d’hébergement, opérateurs de télécommunications, etc) c’est-à-dire ceux qui permettent aux internautes de naviguer sur réseau et de pouvoir disposer des informations.

Ces acteurs souhaitent pouvoir profiter du développement de l’Internet en offrant tous types de services y compris des services financiers.

Il est fondamental de contrôler le développement de l’activité de ces nouveaux acteurs. Les autorités de contrôle du système financier à la fois au niveau européen qu’au niveau national doivent réguler et encadrer , surveiller tous les projets financiers des  » acteurs non bancaires « .

Une des conséquences étant le renforcement sur le plan national, des conditions d’agrément afin de maintenir le respect de l’ordre public, du monopole bancaire.

Par exemple, les autorités françaises (24) adoptent une attitude restrictive face au développement des diverses formes de monnaie électronique. Au regard de la loi bancaire, les émetteurs de monnaie électronique devraient être agrées comme établissements de crédits, dès lors qu’ils effectuent des opérations de gestion sur des moyens de paiement. L’intervention de prestataires non bancaires, paraît en principe être exclue. La loi bancaire permet, en effet, de garantir et de limiter le risque de faillite de l’émetteur, et de contrôler le sort des unités de valeur mises en circulation.

Toutefois, cette attitude restrictive risque d’être remise en cause par la récente proposition de directive sur l’émission de monnaie électronique. En effet, la proposition de directive concernant l’accès à l’activité des institutions de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle des institutions (25) prévoit une harmonisation des règles minimales destinées à assurer la stabilité et la solidité des établissements émettant de la monnaie électronique. Ces règles permettront notamment d’assurer des conditions de concurrence équitables entre les établissements de crédit traditionnels et les autres sociétés émettrices de monnaie électronique et donneront aux institutions de monnaie électronique la possibilité d’offrir leurs services partout dans l’Union sur la base d’un contrôle prudentiel exercé par l’Etat membre d’origine.

D’autres secteurs d’activité bancaires peuvent être mis en concurrence par des acteurs d’un type nouveau. Notamment, le secteur des échanges de titres entre particuliers, ou par l’intermédiaire de sociétés qui ne sont pas habilitées selon les circuits traditionnels. Des  » bourses virtuelles  » (26) se constituent à la fois en Europe et aux Etats-Unis. Ce phénomène suscite des inquiétudes concernant les risques de diffusion d’informations erronées, de manipulation de cours.

b) Les nouveaux types de paiement

Le paiement, au sens juridique, est le seul mode d’exécution d’une obligation: le débiteur (solvens) s’acquitte de sa dette envers son créancier (accipiens), selon l’article 1235 du code civil français.

Le commerce électronique donne lieu à des modes de paiement variés. Cependant, ces paiements ne sont pas d’un type nouveau. Ainsi, des paiements comme ceux faits par carte bancaire sont encore très présents.

Parallèlement, de nouveaux types d’intervenants ont mis en place des nouveaux moyens de paiement. En effet, les systèmes de paiement doivent s’adapter aux contraintes suivantes (27) :

    – le réseau est mondial : la question de la compatibilité des systèmes de paiement entre eux et des différentes législations nationales se pose donc.

    – Le réseau ouvert : cela entraîne une complexité des différents systèmes de paiement, une plus grande concurrence entre ces derniers et des risques pour la sécurité.

Les transactions peuvent se dérouler sans confrontation physique des parties prenantes, ni échange écrit sur document papier. La preuve de l’opération, en cas de litige est délicate.

Face à ces différents problèmes, les divers systèmes ou modes de paiement existants présentent certaines caractéristiques plus ou moins adaptées à ces besoins.

Le paiement des transactions commerciales conclues sur réseau peut donc prendre des formes très hétérogènes suivant les intermédiaires en cause (techniques ou commerciaux, bancaires ou non) et l’utilisation ou non de comptes bancaires.

Il convient donc de dresser un récapitulatif des différents types de paiement sur réseau ouvert.

Moyen de paiement traditionnel utilisé sur réseau : la carte bancaire.

En l’état actuel des choses, une partie de l’opération transite sur réseau ouvert, selon des procédures plus ou moins sécurisées.

Parmi les moyens de paiement traditionnels, la carte bancaire devrait constituer l’un des outils privilégiés du paiement sur Internet.

En effet, les milieux financiers et commerciaux bénéficient déjà de l’acquis’ de la carte bancaire en matière de vente à distance. Cette technique de vente s’est beaucoup développée en France grâce au Minitel.

L’existence de risques de fraude inhérente à Internet, a conduit les acteurs du réseau bancaire et non bancaire à proposer des systèmes plus élaborés.

L’émergence de nouveaux systèmes de paiement.

    – Les systèmes qui reposent sur des intermédiaires de paiement.

Ces nouveaux systèmes de paiement permettent de ne plus faire circuler les informations sensibles sur le réseau ouvert; de plus on peut s’assurer que celui qui est à l’origine de la transaction commerciale est bien le titulaire de la carte de paiement.

Le recours à un tiers intermédiaire le plus souvent non bancaire s’est ainsi développé ( Globe ID, First Virtual, Cybercash…).

Ces systèmes reposent sur la gestion de comptes par des intermédiaires de paiement, c’est-à-dire qu’un organisme non bancaire gère des transactions nombreuses, de faible montant, pour le compte des clients et des vendeurs. Ces systèmes tels que First Virtual (USA) ou Globe ID (Kleline, France) présentent l’avantage de pouvoir accueillir divers modes de paiement.

Le développement des transactions via l’Internet entraîne une modification en profondeur des pratiques, accompagné de l’émergence de nouveaux intervenants.

A cette occasion, les banques pourraient diversifier et développer leurs compétences en proposant des systèmes de paiement sécurisés.

    – Les systèmes qui reposent sur le stockage d’unités de valeur :

 

La monnaie électronique peut être définie comme  » un montant monétaire stocké sur une carte à microprocesseur (carte prépayée ou porte-monnaie électronique) ou sur une mémoire d’ordinateur (monnaie de réseau ou de logiciel) et qui est accepté comme moyen de paiement par des entreprises autres que l’émetteur « (29).

On vise d’une part l’hypothèse, des porte-monnaie électroniques (PME); le mécanisme est le suivant: les unités de valeur sont stockées sur un support matériel comme une carte. La Belgique, par exemple, a mis en place le PME Proton.

D’autre part, il existe des porte-monnaie virtuels (PMV); le mécanisme est le suivant: les unités de valeur sont stockées sur le disque dur soit du détenteur du compte soit de l’organisme gestionnaire du compte. Cet argent stocké sur le disque dur de la banque correspond a une monnaie ayant un cours légal.

Enfin, il existe également la monnaie virtuelle ou l’E-cash, mis au point par la société hollandaise Digicash (30). Les clients acquièrent auprès d’une banque ou d’un organisme intermédiaire une licence’ qui leur permet d’utiliser de l’argent liquide électronique (E-cash). L’utilisateur dans ce cas utilise des cyberbucks’ qui ne sont pas une monnaie en tant que telle: l’utilisateur échange une certaine somme d’argent contre un certain nombre de cyberbucks.

Ces mécanismes présentent cependant certains risques identifiés:

    – la sécurité des utilisateurs (particuliers et commerçants ou prestataires de services appelés à recevoir des paiements) est liée à l’existence même et à la qualité de leur contrepartie ainsi qu’à la solvabilité des établissements ou des organismes gérant les fonds stockés sous forme d’unités de valeur.

    – le détenteur de fonds n’est pas non plus à l’abri d’une défaillance technique: en cas d’effacement de son disque dur , toutes les sommes contenues dans son PMV sont irrémédiablement perdues.

    – en cas de défaillance de l’émetteur ou du gestionnaire de fonds, le client s’expose au risque de non remboursement des unités de valeur inutilisées et le commerçant à celui du non paiement des unités transmises par le client.

    – du point de vue de l’ordre public, l’anonymat du transfert des unités suscite certaines interrogations:
    il permet certes, la protection de la vie privée de l’utilisateur. Mais, il engendre aussi un double risque de perte et de fraude, pour le système bancaire, l’émergence de la monnaie électronique est susceptible de remettre en cause l’intermédiation bancaire et la fiabilité des systèmes de paiement.

Le paiement, comme nous l’avons précédemment vu est l’extinction d’une obligation monétaire. En droit français, tout ordre de paiement effectué par carte est irrévocable sauf dans l’hypothèse de son utilisation frauduleuse par un tiers, de redressement ou de liquidation judiciaire du bénéficiaire (31).

Afin d’éviter des disparités qui risqueraient d’entraver le développement du commerce électronique et de la banque électronique, la Commission Européenne dans sa Recommandation en date du 30 juillet 1997, a réaffirmé sa volonté de maintenir le principe de l’irrévocabilité du paiement.

 La recommandation concernant  » les opérations effectuées au moyen d’instruments de paiement électroniques, en particulier la relation de l’émetteur et du titulaire  » (32).

Elle tend à s’appliquer à toutes les opérations effectuées au moyen d’instruments de paiement et exige l’utilisation tant par le prestataire que par le client de systèmes performants.

Sont visés par la recommandation les trois catégories suivantes d’instruments:

    a) les instruments permettant, à distance, l’accès au compte d’un titulaire c’est-à-dire les cartes de paiement et les applications de banque à domicile.

    b) les paiements électroniques ou non réalisés au moyen d’une carte de paiement, nonobstant l’usage de la signature manuscrite et de factures papier.

    c) les instruments de monnaie électronique rechargeables prenant la forme de carte prépayées ou de jetons électroniques stockés sur la mémoire d’un ordinateur, et les produits de monnaie électronique rechargeables.

Par une interprétation extensive de ce texte, « l’electronic cash » ou E-cash doit être couvert par la réglementation.

La répartition des obligations et responsabilités entre titulaire et l’émetteur se veut équitable, car elle met systématiquement l’obligation à la charge de la partie la plus à même de réagir face au problème. Le porteur de l’instrument doit respecter des obligations de prudence, de vigilance lors de la délivrance du code identifiant l’instrument. Ainsi, lorsque le moyen de paiement est perdu ou volé, le titulaire doit le notifier à l’émetteur. Il sera alors déchargé de la responsabilité des pertes consécutives au vol.

Le titulaire doit également notifier à l’émetteur , dès qu’il en a connaissance, l’imputation à son compte de toute opération effectuée sans son accord, et de toute erreur ou irrégularité dans la gestion de son compte par l’émetteur.

La responsabilité du titulaire n’est pas engagée si l’instrument de paiement a été utilisé sans présentation physique ou sans identification électronique (de l’instrument même). La seule utilisation d’un code confidentiel ou de tout élément d’identification similaire n’est pas suffisante pour engager la responsabilité du titulaire’ (article 6-3).

De son côté, l’émetteur doit, en cas de problème, prouver que l’opération a été correctement comptabilisée et qu’elle n’a été affectée par aucun incident technique ou autre défaillance. Ce dernier supporte en principe une présomption simple de responsabilité. Toutefois, sa responsabilité est renforcée lorsqu’en l’absence de faute du titulaire de monnaie électronique, la valeur stockée sur ledit instrument est perdue ou l’instrument est inutilisable par lui-même ou en raison d’un dysfonctionnement du terminal.

Enfin, il convient de veiller à prévenir les risques d’utilisation frauduleuse et de contrefaçon en améliorant la sécurité des systèmes de paiement électronique, notamment par le développement du cryptage, de la signature électronique… C’est en premier lieu aux prestataires de services et aux banques d’accomplir cette tâche.

En conclusion, le paiement électronique est caractérisé par un foisonnement d’initiatives et de prises de position des différentes instances. Toutefois, de nombreuses interrogations, et de nombreux enjeux sont loin pour l’instant d’être résolus tels que la validité des signatures électroniques

IV Les conditions de viabilité

La viabilité de ce mode de distribution passe par l’analyse de sa rentabilité. L’équilibre financier de ce type de canal est loin d’être évident. D’un côté, la banque sur Internet permet de toucher les clients actuels et de nouveaux marchés, d’accroître l’accessibilité à la banque (ouverture 24h/24, 7 jours sur 7, quelque soit le lieu d’accès), et de générer de nouveaux flux de revenus. De plus, le coût unitaire des opérations est réduit. D’un autre côté, les frais de  » back-office  » entraînent une augmentation des investissements, encore accrue par l’intégration des systèmes d’information, et par les problèmes de sécurité spécifiques au canal utilisé. a) De nouvelles recettes

L’augmentation des recettes a deux origines. D’une part, l’élargissement de la zone de chalandise permet d’augmenter le nombre de clients potentiels. D’autre part, l’utilisation de la télématique bancaire génère de nouveaux flux de revenus. De nombreuses opérations auparavant traitées exclusivement et gratuitement au guichet le sont aujourd’hui automatiquement ou par le client, à sa demande, moyennant une commission. Cela permet de mettre en évidence des  » produits cachés « , et donc de créer de nouvelles sources de profit (33).

On n’est pas surpris d’observer d’autre part que le Produit Net Bancaire (PNB) des banques spécialisées dans la banque à distance, et en particulier celles présentes sur Internet, est composé principalement de commissions et de peu de marges d’intérêt. La structure du PNB de ces banques diffère évidemment de celui des banques traditionnelles (34). Cela s’explique par la réticence des clients et des banquiers à réaliser des crédits à moyen et long terme en ligne. En effet, en utilisant ce canal, les banquiers sont confrontés à un problème de connaissance et de  » notation  » de leurs clients. De même, pour ce type de crédit les clients préfèrent privilégier le face à face avec leur banquier. Il convient donc de s’interroger sur l’intérêt de ce canal de distribution pour vendre des crédits à moyen et long terme.

De plus, d’autres recettes liées à la spécificité du Web sont à prendre en compte. Il s’agit principalement des droits d’entrée sur le site , la vente d’espace publicitaires sur le site, l’hébergement d’autres sites sur le serveur, et la vente de produits para ou extra bancaires (exemples: analyses boursières, livres sur la bourse, etc..).

 b) Structure des coûts

La comparaison des coûts moyens par transaction montre d’une manière générale que la banque directe permet de diminuer le coût moyen d’une transaction de 50 à 93%, les coûts les plus faibles sont obtenus avec un réseau électronique comme support de transmission (PC Banking et Internet).

Cependant, pour être efficace et constituer un véritable facteur de différenciation, la mise en place de services bancaires sur Internet doit s’accompagner pour les banques multicanaux d’outils permettant la mémorisation de l’ensemble des contacts avec le client, quel que soit le média utilisé. Dans ce but, il est nécessaire de développer des systèmes d’informations intégrés, et plus globalement des solutions de bases de données centralisées. La mise en place de ces solutions s’avère difficile en pratique, à cause de l’incompatibilité des systèmes et des technologies utilisés, et implique souvent de revoir l’architecture, les systèmes, et les applications informatiques. Par exemple, un client doit pouvoir connaître à travers n’importe quel canal le solde de son compte, et ce solde doit être le même à un moment donné, à travers chaque canal.

Par ailleurs, les canaux de distribution à distance posent des problèmes de sécurité, dont la résolution augmente encore les investissements nécessaires. Les clients perçoivent ces problèmes de manière différente suivant les supports. Les communications via le téléphone ou le Minitel sont perçues comme relativement sécurisées, contrairement à celles transitant via Internet. La demande de  » sécurisation  » des opérations de la part des clients est plus forte pour ce support. Par conséquent, les investissements nécessaires afin d’accéder à un niveau de sécurité jugé acceptable par les clients sont beaucoup plus élevés.

En fait, la raison principale des banques traditionnelles à s’installer sur Internet s’explique par des effets d’image attendus, ou plus simplement par l’imitation des concurrents. L’augmentation des profits n’est qu’une motivation secondaire (35).

V Les problèmes juridiques liés à l’octroi de services financiers en ligne (ouverture d’un compte bancaire à distance, vente et publicité des services et produits financiers à distance). Il s’agit dans le cadre de notre étude, de décrire le support et le cadre des opérations conclues entre les établissements de crédit et leur clientèle. Le nombre et la diversité des questions suscitées par le droit bancaire rendent nécessaires de limiter notre propos aux questions directement contraintes par les nouvelles technologies. Ainsi, la question de l’ouverture d’un compte  » à distance  » illustre l’évolution des rapports entre les professionnels de la banque et leur clientèle.

     

Cette double description repose sur le constat suivant : l’accomplissement des opérations de clientèle s’appuie généralement sur les comptes bancaires et donne naissance à des obligations générales pesant sur les établissements de crédit.
Dans le cadre de l’ouverture d’un compte bancaire à distance par Internet, il existe un double aspect :

    – un aspect international : l’opération est faite via Internet qui est un réseau ouvert, mondial,

    – un aspect interne : l’opération reste toujours une relation entre deux personnes (un établissement de crédit et son client). Ce client peut parfaitement réaliser des opérations internes (commande de chéquiers, consultation de son compte, etc..) sans avoir dans tous les cas recours au caractère international du réseau.

L’ouverture d’un compte à distance sur Internet pose certains problèmes qu’il convient de recenser. Les contraintes liées à l’ouverture d’un compte ‘à distance’ : nécessité d’une présence physique, écrit original signé, limitation territoriale. Par ailleurs, il existe de nombreuses restrictions concernant la commercialisation des produits financiers à l’étranger (par exemple, la publicité concernant les produits financiers, méthodes de commercialisation telles que le marketing direct, etc..).

Concernant , plus particulièrement la conclusion du contrat, le principe est celui de la liberté d’ouverture de compte c’est-à-dire que l’on a toujours le droit de demander l’ouverture d’un compte bancaire. En revanche, la banque peut refuser de faire droit à la demande suivant l’application des critères de relation de confiance, intuitu personnae.

La convention de compte est régie par le droit commun des contrats. Sa conclusion est marquée par l’ouverture de compte qui est une prestation dans le cadre de la convention de compte. Bien qu’il s’agisse d’un contrat consensuel (article 1134 du code civil), la pratique tend à la rédaction systématique d’un écrit.

Cet écrit réside généralement dans un imprimé type dont les clauses ont été unilatéralement rédigées par l’établissement de crédit; la convention de compte s’analyse donc en un contrat d’adhésion (36). L’écrit n’est cependant pas exigé pour la validité du contrat: La convention de compte sera alors tacite.

Il convient de voir plus particulièrement que la preuve de la convention de compte obéit aux règles de droit commun. En droit positif français, il n’y a pas de condition de forme pour la conclusion d’un contrat consensuel. Par conséquent, rien n’interdit la conclusion d’une convention de compte par des moyens électroniques. Toutefois, les règles de preuve limitent cette affirmation; en effet un écrit original est exigé pour faire la preuve du contrat.

L’institution financière a l’obligation de connaître son client. Il est cependant possible de contourner cette exigence en recourant à une authentification notariale du document suivie de son envoi par la Poste. Cette technique serait très prudente et permettrait de pallier ce problème de preuve. Mais, elle a comme inconvénient majeur de ralentir le processus d’ouverture de compte et de diminuer intérêt de la banque électronique (recours au notaire, déplacement…).

Un devoir général de prudence pèse donc sur l’établissement de crédit. Il doit procéder à toutes vérifications dans son intérêt et dans celui des tiers au contrat. Ces vérifications initialement imposées par la jurisprudence, ont été consacrées ensuite par le législateur (37).

Par conséquent, le banquier doit vérifier les informations suivantes :

    – la réalité du domicile: elle est généralement vérifiée par l’envoi d’une lettre d’accueil ou par présentation d’une facture.

    –  l’identité du postulant: celui-ci doit présenter un document officiel avec une photo. La jurisprudence (38) a estimé que le document doit comporter à la fois la signature et la photographie du postulant (carte d’identité nationale, permis de conduire).
    la capacité et les pouvoirs du postulant afin d’éviter que les actes passés par le titulaire du compte ne soient entachés de nullité.

Le défaut ou l’insuffisance de ces contrôles engage la responsabilité de l’établissement de crédit lorsque le compte a notamment permis ou facilité la commission d’actes frauduleux par le titulaire du compte. La sanction la plus générale reste celle de la responsabilité civile des établissements de crédit qui obéit aux règles du droit commun (articles 1382 et 1383 du code civil français). Cette responsabilité est délictuelle à l’égard des tiers et contractuelle dans les rapports entre les établissements de crédit avec leurs clients. Ainsi, l’établissement de crédit engage sa responsabilité s’il n’a pas correctement opéré les vérifications qu’il doit effectuer.

Il pèse donc sur l’établissement de crédit un devoir général de prudence au moment de l’ouverture du compte bancaire.

En conclusion, cette réglementation contraignante qui impose aux banquiers des obligations de vigilance a un impact significatif et peut constituer un frein au développement de la banque électronique. Cependant, force est de constater qu’elle poursuit un but légitime dans la mesure où elle permet notamment:

    – de lutter efficacement contre le blanchiment des capitaux

    – de protéger le consommateur ( obligation d’information)

    – de garantir la confidentialité des transactions (respect du secret bancaire)

Ainsi, ces règles pourraient être adaptées en combinaison avec l’élaboration de nouvelles règles juridiques. La reconnaissance de la signature électronique et du rôle des autorités de certification pourraient constituer un moyen fiable d’identification des personnes et répondre aux exigences spécifiques du monde bancaire. L’établissement de crédit lors de l’ouverture de compte à distance sur Internet doit aussi respecter cette procédure d’information du consommateur.

Le commerce électronique se heurte encore à un manque de confiance de la part des consommateurs lorsqu’il s’agit d’entrer sur Internet dans une relation contractuelle, en particulier avec une institution financière. Aussi les autorités publiques auront-ils intérêts à s’assurer que les règles de protection du consommateur s’appliquent également aux services financiers en ligne. Dans ce dernier domaine, la réglementation relative aux contrats à distance trouvera à s’appliquer. Outre les dispositions prévues par les législations nationales l’établissement financier souhaitant offrir ses services en ligne devra tenir compte d’une récente initiative de la Commission européenne. La proposition de directive pour la commercialisation à distance de services financiers, qui intéresse plus particulièrement les sociétés financières(39).

La proposition de la Commission européenne prévoit que le consommateur aurait une période de réflexion de sept jours avant de conclure un contrat. Il aurait ainsi le temps de comparer diverses offres et d’examiner le contrat de manière approfondie. Le fournisseur ne pourrait modifier les conditions contractuelles pendant un délai de quatorze jours. Le consommateur disposerait également d’un droit de rétractation s’élevant, dans la plupart des cas à quatorze jours. Enfin, la proposition de directive offrirait au consommateur d’importantes possibilités de plaintes en matière d’information, ainsi que des procédures de rectification. Le fournisseur, de son côté, se verrait accorder un droit à compensation dans le cas où le consommateur se retirerait après le début de la prestation de services.

La vente de produits et de services financiers sur Internet tend à être harmonisée grâce à la récente proposition de directive de l’Union Européenne. Toutefois, il reste encore de nombreuses incertitudes sur la possibilité et la manière d’appliquer concrètement les règles de droit traditionnelles aux transactions commerciales sur Internet, notamment dans le cadre de l’octroi de crédit ou de la publicité concernant certains services financiers, etc.

Conclusion

Les banques traditionnelles considèrent  » l’Internet banking  » comme un canal de distribution à côté des autres. Ainsi, il devrait être utilisé en complémentarité avec les autres, ce qui pose le problème de l’interconnexion des réseaux. Les stratégies des banques doivent en tenir compte dans leur définition d’objectifs et de mise en œuvre. De plus, c’est un moyen privilégié d’entrée sur de nouveaux marchés, mais qui nécessite cependant des partenariats ou des alliances pour bénéficier de cette complémentarité.

Deux questions peuvent être posées :

    Quelles sont les opportunités pour les nouveaux entrants ? Quel est alors le risque de banalisation de l’offre ?
    L’évolution des technologies n’est-elle pas de nature à modifier le positionnement actuel des banques avec l’utilisation de nouveaux supports du type, vidéoconférence, TV interactive, PC pour n’en citer que quelques-uns ?

De plus, l’octroi de services financiers en ligne pose de nombreux problèmes juridiques en suspense. En effet, même si la récente proposition de directive de l’Union Européenne essaie d’apporter certaines solutions, de nombreuses incertitudes demeurent sur la possibilité et la manière d’appliquer les règles de droit traditionnelles aux transactions réalisées sur Internet.

1) ROWE F,  » Des banques et des réseaux, productivité et avantages concurrentiels « , 1994, ENSPTT, Economica, Paris.

2) Dans ce contexte, on peut s’interroger sur la célèbre affirmation lancée par Bill Gates  » we need banking ; we don’t need bankers « .

3) ABERNATHY W.J., CLARK K.B.,  » Comment établir une carte stratégique des innovations dans un secteur industriel « , 1988, Culture et technique, mars, n°18.

4) Le problème de la masse critique renvoie aux externalités de réseaux indirectes. La masse critique de clients est une fonction des coûts fixes. L’utilité pour un client est fonction du nombre de clients total qui joue sur les services proposés. On pourra aussi distinguer entre l’effet de parc lié aux équipements disponibles et l’effet de contenu lié aux services proposés.

5) Une des fonctions offertes par les réseaux E.D.I. est le stockage des messages sur un site différent de l’émetteur et du récepteur pour conserver une trace du message.

6) En construisant un simple habillage pour présenter les comptes des clients sur le Web, au lieu de proposer de véritables applications interactives.

7) Stratégies Télécoms&Multimédia,17 au 24/09/1998

8) Techniquement, ce système fonctionne grâce aux  » applets Java « . Celles-ci permettent d’exécuter sur le poste du client tout type d’applications indépendamment du système d’exploitation et du navigateur utilisé.

9) http://www. Strategie-internet.com/article27.html,  » les vitrines des banques deviennent des guichets « , 18/11/98.

10) 5% de la population des internautes utilisent les services de banque en ligne. Ce chiffre correspond à près 100 000 internautes-utilisateurs.. La proportion est similaire aux Etats-Unis avec 3 millions d’utilisateurs de services de banque en ligne pour 52 millions d’internautes.

11) http:// www.bnp.fr

12) http://www.wellsfargo.com

13) Stratégies Télécoms&Multimédia-05 au 12/11/1998

14) Etude de juillet 1997  » Internet Banking « , Bundesverband Deutscher Banker « 

15) Revue Banque octobre 1998,  »  les banques allemandes s’unissent sur Internet « 

16) Les Echos, 04/11/1998, site : http://www.firstdirect.co.uk

17) http:// www.bankamerica.com

18) E. MICHAUD & J.P DESBIOLLES,  » Internet, une nouvelle approche « , Banque Stratégie, n°151, juillet-août 1998, p.17.

19) http://www.wellsfargo.com

20) La loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit définit dans son article 1 les établissements de crédit :  » sont des personnes morales qui effectuent à titre habituelle des opérations de banque « .

Les opérations de banque comprennent la réception des fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de paiement.

21) Selon le dictionnaire juridique de M. Cornu la dématérialisation est  » une opération liée à de nouvelles technologies consistant à remplacer un support matériel tangible (monnaie fiduciaire, titre au porteur) qui circule entre les mains des intéressés comme instrument de paiement ou de commerce, par un support comptable centralisé, sous des modalités diverses (exemple : procédé électronique), système qui suppose cependant que soient replacés entre les mains des intéressés d’autres éléments matériels de preuve ou de fonctionnement (certificat, carte de paiement), en quoi la dématérialisation est moins matérielle que juridique « .

22) Le commerce électronique a déjà été défini de multiples manières. Par exemple, OCDE dans son rapport sur le commerce électronique de 1996 le définit comme  » toute utilisation des réseaux et des technologies électroniques pour le commerce et les autres activités économiques « .

23) Ainsi, dans le cadre français, avec l’exemple du Minitel, l’existence d’un opérateur unique, France Télécom, facilitait la gestion et les paiements des activités commerciales. L’ouverture du réseau Internet permet au contraire l’intervention d’une multitude d’acteurs, sans organisme de contrôle centralisé.

24) Dans la plupart des Etats, dont la France, la gestion des opérations bancaires (service de caisse, ouverture de crédit) est réservée aux établissements de crédit (article 1 de la loi bancaire française du 24 janvier 1984). Cette position a été confirmée en 1994 par l’Institut Monétaire Européen; elle a été aussi réaffirmée par la Banque de France en 1997 qui, ayant reçu la mission de veiller à la sécurité des systèmes de paiement, a demandé que tous les projets de cette nature lui soit soumis.

25) J.O.C.E du 15.10.1998, C317/7

26) par exemple, nous pouvons citer l’exemple de la société américaine Charles Schwab qui vient de s’implanter en Europe, à Londres.

27) Rapport du Conseil National du Crédit et du titre , mai 1997 ,  »  Problèmes juridiques liés à la dématérialisation des moyens de paiement et des titres « , p.97

28) Pour une présentation plus détaillée, nous renvoyons le lecteur vers l’article de : PICORY C.,  » Systèmes de paiement électronique, régime monétaire et intermédiation bancaire « , Systèmes d’Information et Management, n°4, vol 2, 1997, pp 55-86.

29) Proposition de directive de la Commission Européenne concernant l’accès à l’activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle des institutions, J.O.C.E , 15.10.1998, C317/7.

30) http://www.digicash.com

31) Article 57-2 de la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991.

32) JOCE L208, 2 août 1997,p.52.

33) LALLE B.,  » Des réseaux interactifs aux réseaux d’acteurs « , Banque Stratégie, 1996, juin, n°128, pp 2-4.

34) Exemples de la Banque Directe en France et de l’Advance Bank en R.F.A..

35) PARISIER S. et D.K. ZIMMERMAN,  » An Internet Banking Executive Briefing Paper « , Unisys, Fall 1996.

36) Rives-Lange et Contamine-Raynaud, droit bancaire, p.175.

37) Selon, l’article 33 du décret français du 22.05.1992 qui reprend à peu près les termes de l’article 30 du décret français du 3 octobre 1975 le banquier doit, préalablement à l’ouverture de compte, vérifier le domicile et l’identité du postulant qui est tenu de présenter un document officiel portant sa photographie. Les caractéristiques et les références de ce document sont enregistrées par le banquier’.

38) TGI Paris 24 janvier 1980, Banque n°397, juillet-août 1980.908 obs.Martin; CA Paris, 9 juin 1981,D.1981 IR 495, obs Vasseur.

39) COM(1998) 468 final, J.O.C.E. 98/C 385/10, 11.12.1998.

[Retour]