La gestion des biens du défunt

Après le décès du défunt, les biens qu’il laisse nécessitent d’être gérés. Il convient alors de savoir qui peut procéder à cette gestion. Cette gestion peut être contraire à l’option que les héritiers ont vis-à-vis de la succession. En outre, les héritiers peuvent ne pas être capables de l’effectuer. Enfin, la possible pluralité d’héritiers peut entraîner des problèmes de cohésion.

I. Les conséquences des actes des héritiers

Le principe de la transmission du patrimoine du défunt à ses successeurs du seul fait du décès devrait avoir pour conséquence de permettre à chacun des héritiers de disposer des biens du défunt dès cette date. Toutefois, le législateur offre à ces derniers la possibilité de refuser la succession, ou de ne l’accepter qu’à concurrence de l’actif net. Tant que les héritiers n’ont pas exercé cette option, leurs droits sur le patrimoine du défunt ne sont pas définis. Or certains actes effectués par ceux-ci laissent entendre qu’ils souhaitent accepter la succession. Afin de renforcer la sécurité juridique par rapport aux tiers ou aux autres successeurs, certaines règles ont été édictées. Ainsi, le code civil prévoit en son article 778 que « l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net ». Par cette disposition, l’acte de recel ou celui de dissimulation de l’existence d’un héritier, entraîne l’application d’une sanction. Hormis ce cas, le législateur admet que certains actes, bien qu’effectués de bonne foi, laissent présumer que l’héritier souhaite opter pour l’acceptation pure et simple de la succession. Cette présomption naît lorsqu’il effectue des actes qu’il n’aurait pu réaliser sans avoir au préalable accepté la succession. C’est l’acceptation tacite. Ces règles ont été assouplies par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions, publiée au JO le 24 juin 2006. Aujourd’hui, la cession de ses droits dans la succession par l’héritier, partiellement ou dans leur intégralité, à titre gratuit ou onéreux, emporte acceptation pure et simple. Cette présomption naît du principe selon lequel on ne peut céder que ce que l’on a. Cette cession ne peut donc être effectuée que si l’héritier a préalablement accepté purement et simplement la succession. Dans cette logique, il en est de même de la renonciation à ses droits dans la succession, même gratuite, par un héritier, au profit d’un ou de plusieurs de ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent, ou de la renonciation à ses droits dans la succession par un héritier, même au profit de tous ses cohéritiers ou héritiers de rang subséquent indistinctement, à titre onéreux. Cependant, le législateur admet que certains actes ne puissent avoir été effectués que dans un souci de conservation des biens composant le patrimoine laissé par le défunt ou de sécurité juridique vis-à-vis de certains créanciers de la succession. Ainsi, les actes purement conservatoires et de surveillance n’emportent pas nécessairement l’acceptation pure et simple de la succession. L’article 784 du code civil prévoit que les actes conservatoires peuvent être les suivants : – le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent, – le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux ou la vente des biens périssables, à condition de justifier que les fonds ont été employés à payer les frais funéraires et de dernière maladie, les impôts dus par le défunt, les loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent, ou ont été déposés chez un notaire ou consignés, – l’acte destiné à éviter l’aggravation du passif successoral. Il prévoit également que les actes d’administration provisoire peuvent être : – les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l’activité de l’entreprise dépendant de la succession, – le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur à bail, des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d’une indemnité, ainsi que la mise en oeuvre de décisions d’administration ou de de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. En dehors de ces cas, tout autre acte ne peut être accompli sur les biens du patrimoine du défunt par un successible sans que ce dernier ne puisse être présumé prendre le titre ou la qualité d’héritier. Lorsque l’intérêt de la succession l’exige, le successible peut toutefois être autorisé par le juge à effectuer de tels actes.

II. Les règles de l’indivision

La gestion des biens composant la succession est rendue plus difficile par la concurrence des droits détenus par les héritiers dès lors que ces derniers sont au moins au nombre de 2. En effet, tant que le partage n’a pas été opéré, l’actif successoral appartient à l’ensemble des héritiers. C’est l’indivision successorale. Les décisions relatives à l’actif doivent donc être prises par l’ensemble des héritiers. Toutefois, cette situation risque de créer des blocages qui peuvent nuire à la conservation ou à la bonne gestion des biens composant la succession. Le législateur s’est ainsi de tout temps montré hostile envers l’indivision. Il prévoit donc que nul ne peut être contraint de rester en indivision, et permet à chaque indivisaire de provoquer le partage à tout moment. Toutefois, dans certains cas, le maintien en indivision peut être justifié par l’intérêt de l’indivision successorale. Le juge peut donc prévoir qu’il soit sursis au partage. En outre, les coïndivisaires peuvent prévoir conventionnellement ce sursis. Dans tous les cas, le sursis ne peut être prévu pour une durée supérieure à 5 ans. Il peut cependant être renouvelé sous certaines conditions. En outre, tout indivisaire peut prendre une mesure conservatoire sur les biens, même lorsque l’urgence ne la justifie pas. De plus, la loi de 2006 précitée a assoupli les règles s’agissant des prises de décision. En effet, certaines décisions, qui auparavant nécessitaient l’accord de tous les coïndivisaires, ne requièrent aujourd’hui que la majorité des 2/3 des coïndivisaires. Ainsi, les héritiers peuvent décider à cette majorité, sous réserve d’en informer les autres indivisaires : – d’effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ; – de donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ; – de vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ; – de conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Le défaut d’information des autres indivisaires rend ces décisions inopposables à ces derniers. Toute autre décision requiert l’unanimité des coïndivisaires. Le juge peut toutefois autoriser un indivisaire à représenter un autre indivisaire dans la prise de décision, lorsque ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté, ou à passer seul un acte lorsque le refus d’un indivisaire risque de mettre en péril l’intérêt de l’indivision. Les héritiers peuvent également décider de confier un mandat à l’un des leurs. Ce mandat peut être exprès, mais également tacite, lorsque l’héritier mandataire agit de façon visible pour les autres sans opposition de la part de ces derniers. Ce mandat ne peut porter que sur les actes d’administration, et en aucun cas sur un acte visant à disposer des biens composant la succession, ou sur la conclusion ou le renouvellement des baux. Le mandat exprès requiert l’accord du juge lorsqu’au moins un héritier n’a accepté la succession qu’à concurrence de l’actif net. Le mandat peut être donné par l’ensemble des héritiers à un tiers. Toutefois, dès lors que les successibles n’ont pas encore opté, les pouvoirs du mandataire sont limités aux actes que les coïndivisaires sont autorisés à effectuer sans que l’acceptation pure et simple ne puisse être déduite. En outre, le juge doit désigner ce mandataire lorsqu’au moins un héritier a accepté la succession à concurrence de l’actif net. Le juge peut également être amené à désigner un mandataire, sur saisine d’une personne démontrant un intérêt, tel qu’un héritier ou un créancier de la succession, lorsque l’inertie ou la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans le cadre de l’administration de la succession, leur mésentente, ou une opposition d’intérêts entre eux, ou même la complexité de la succession, le justifie.

III. Le mandat à effet posthume

La loi de 2006 précitée a introduit la faculté pour toute personne de désigner de son vivant un mandataire, personne physique ou morale, à l’effet d’administrer et de gérer tout ou partie de sa succession, pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers. Le mandat doit être rédigé devant notaire, et être accepté par le mandataire avant le décès du mandant. Le mandataire peut être un héritier. Dans tous les cas, la loi impose qu’il jouisse de la pleine capacité civile et qu’il ne soit pas frappé d’une interdiction de gérer dès lors que des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral. En revanche, il ne peut être le notaire chargé de gérer la succession. Le mandat doit toutefois être justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral. Il est donné pour une durée de 2 ans. Le juge peut toutefois décider de le proroger une ou plusieurs fois, sur la saisine d’un héritier ou du mandataire. Il peut également être donné pour une durée de 5 ans, lorsqu’il est justifié par l’une des raisons suivantes : – l’inaptitude des héritiers, – l’âge des héritiers, – la présence de biens professionnels dans le patrimoine du défunt. Dans cette situation, le mandat peut également être prorogé 1 ou plusieurs fois par le juge, sur la saisine d’un héritier ou du mandataire. Le mandat est en principe gratuit. Mais une rémunération peut avoir été prévue dans le mandat. Si elle a été prévue, elle est constituée par une part des fruits et revenus afférents à la succession et résultant de la gestion ou de l’administration du mandataire. Cela peut être par exemple une partie des loyers relatifs à un immeuble dépendant de la succession. Cette rémunération peut être complétée par un capital ou prendre la forme d’un capital lorsque les fruits et revenus sont insuffisants ou font défaut. Toutefois, elle ne peut porter atteinte au droit à réserve des héritiers. Enfin, le mandat prend fin à l’expiration du terme prévu.

Mais le mandataire peut toujours renoncer à son exécution, à condition de notifier cette décision aux héritiers ou à leurs représentants. En outre, il peut être révoqué par le juge sur saisine d’un héritier lorsque le motif qui le justifiait à disparu.